En 2017 a été réalisée une première analyse des données de collision faune / routes issues de trois sources (LPO, DIR Centre-Est et FRC Rhône-Alpes), dans l’objectif d’améliorer la connaissance de l’état initial des points de conflit en Rhône-Alpes, et d’être en capacité d’évaluer l’atteinte d’un objectif du SRCE Rhône-Alpes aujourd’hui intégré dans le SRADDET.
Trois premières mises à jour de ce travail ont été faites en décembre 2018, décembre 2019 et décembre 2020, avec un élargissement de la zone d’étude à la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes, le déploiement par la FRC AuRA de l’application de collecte Vigifaune, et l’entrée de nouveaux partenaires fournisseurs de données.
Cette quatrième mise à jour reprend la méthodologie développée dans les rapports précédents. Elle intègre de nouvelles données d’observation (environ 10 000 pour l’année 2020) collectées auprès de différents partenaires. Aux trois fournisseurs de données historiques se sont rajoutés les DIR Méditerranée, Massif Central, Centre-Est et Centre-Ouest, les Conseils Départementaux de l’Isère et de l’Allier, les sociétés d’autoroute ATMB et APRR, les PNR du Pilat et du Forez, le Conservatoire d’Espaces Naturels Auvergne, l’Office Français de la Biodiversité et SNCF Réseau.
Outre une actualisation des cartes et graphiques proposés les années précédentes, cette mise à jour apporte des éléments de réponse aux questionnements suivants :
la situation exceptionnelle de confinement du printemps 2020, qui a engendré une baisse du trafic routier très notable au moment où le nombre de collisions connaît habituellement un pic. Que nous apprend cette expérience sur les relations entre l’intensité du trafic routier et son impact sur la faune sauvage ?
la consolidation des résultats de cet observatoire : les points de conflit identifiés lors des différentes mise à jour confirment-ils le caractère accidentogène de certains tronçons ? Permettent-ils de mettre en évidence des évolutions ?
l’intégration de nouvelles données issues de SNCF Réseaux : y a-t-il des corrélations spatiales entre les points de conflit mis en évidence sur le réseau ferré et le réseau routier ?
Le Cerema assure l’administration de la base de données des observations de collisions, qui agrège les données collectées auprès des différents partenaires. Les données intégrées à cette base proviennent :
Pour permettre une exploitation commune de l’ensemble de ces données, le Cerema réalise un travail de formatage et de nettoyage :
Le tableau suivant explicite le travail d’administration de données réalisé sur chaque jeu de données.
La base de données contient à ce jour près de 89 000 données d’observation, réparties par année comme suit :
Nombre d’observations et d’observateurs par année et type de fournisseur
Pour la première fois depuis la mise en place du dispositif, on constate une baisse en 2020 du nombre d’observations versées dans la base, en comparaison de l’année précédente, et cela pour deux raisons :
les périodes de confinement de l’année 2020 qui ont généré une baisse du nombre d’observations, notamment pour les données non protocolées. Si l’on prend l’exemple des données LPO, il faut noter que le nombre d’observateurs ayant apporté des contributions à la base est du même ordre en 2020 qu’en 2019 (environ 1000 personnes) ; mais en moyenne, ces contributeurs ont réalisé moins d’observations que l’année précédente ;
pour les données FRC, la baisse du nombre d’observations s’accompagne en revanche d’une baisse également notable du nombre de contributeurs (un peu plus de 300 alors qu’ils étaient plus de 500 en 2019). Cette baisse est probablement liée à un changement de version de l’application Vigifaune, qui nécessitait le téléchargement d’une nouvelle application mobile. A cette occasion, de nombreux contributeurs semblent avoir été perdus.
Néanmoins, plus de 10 000 nouvelles observations de collisions ont été renseignées en 2020, par près de 1400 contributeurs à ce dispositif régional.
Ce rapport d’analyse s’appuiera uniquement sur les données de 2019 et 2020, permettant ainsi une actualisation des travaux précédents.
Les données de la FRC, des DIR, conseils départementaux et sociétés d’autoroutes sont assez similaires quant aux familles d’animaux observés : essentiellement des mammifères, de taille moyenne ou grande, certains oiseaux (essentiellement des rapaces), et une quasi absence d’observations de reptiles et amphibiens. Les observations de la FRC concernent au total une centaine d’espèces animales, celles des DIR ou des CD une quarantaine.
Les données de la LPO sont beaucoup plus variées quant à l’éventail des espèces observées (près de 400 espèces), mais ne contiennent que très peu d’observations de grands mammifères. Il existe donc une certaine complémentarité entre ces différentes sources de données.
Les données de SNCF Réseau concernent essentiellement des grands mammifères.
Encore peu nombreuses, les données fournies par les autres partenaires sont liées à quelques espèces spécifiques, notamment des amphibiens.
Répartition des classes d’espèces observées selon le fournisseur de données
Ce graphique dynamique en cercles concentriques permet d’explorer plus en détail la diversité des espèces observées et le nombre d’observations correspondantes.
Les différentes espèces observées en 2019-2020
Pour les mammifères ici qualifiés de “petits”, les espèces les plus impactées sont le hérisson européen, le blaireau européen, le renard roux, l’écureuil roux, le lièvre d’Europe.
Pour les amphibiens, le crapaud commun représente l’essentiel des observations (c’est même l’espèce la plus « écrasée » dans la base de données si l’on tient compte du fait qu’à chaque observation la concernant correspondent souvent plusieurs dizaines ou centaines d’animaux écrasés), la salamandre tachetée étant également assez fréquente.
Côté grands mammifères, on retrouve essentiellement le chevreuil, puis le sanglier (à noter que pour les collisions ferroviaires le sanglier est davantage impacté).
Pour ce qui est des oiseaux, une grande variété d’espèces est observée, sans qu’aucune prédomine.
Le nombre de données dans la base permet de représenter la saisonnalité des observations pour les espèces les plus observées, mettant ainsi en évidence un effet saisonnier plus ou moins marqué selon les espèces, très marqué pour les reptiles et amphibiens.
Le profil saisonnier de l’année 2019 est très similaire à ce qui avait été observé les années précédentes. En comparaison, l’année 2020 est très différente, fortement marquée par les périodes de confinement de mi-mars à début mai, et de novembre à mi-décembre. La baisse du nombre d’observations durant ces périodes est très notable pour les petits mammifères et les amphibiens, d’autant que le pic de collisions pour ces animaux se situe généralement en mars-avril. Pour les autres familles d’animaux, le profil de l’année 2020 est moins atypique, le pic d’observations se situant plutôt en mai-juin pour les oiseaux et reptiles.
Saisonnalité des observations des différentes classes d’espèces
La relation entre l’intensité du trafic routier et le nombre de collisions avait déjà fait l’objet d’investigations l’année passée, montrant une densité moyenne de collisions globalement moindre sur les tronçons routiers à niveau de trafic élevé, l’infrastructure pouvant alors jouer un rôle dissuasif pour la faune, en créant des ruptures de continuités écologiques sans pour autant générer de mortalité particulièrement importante.
L’expérience inédite des périodes de confinement de l’année 2020 apporte un éclairage nouveau sur ce point. Les indicateurs régionaux de trafic routier montrent une baisse globale du trafic de près de 70% en avril 2020, et 30% en novembre, en comparaison de l’année précédente. La baisse du nombre d’observations sur ces mêmes mois, pour importante qu’elle soit, n’est que de 50% en avril.
Evolution comparée du trafic routier et des observations de collisions en 2020
On remarque aussi que sur la même période, bien des observateurs étaient eux aussi confinés (notamment pour ce qui est des données non protocolées), avec une baisse du nombre de contributeurs du même ordre que celle du nombre d’observations. Cette moindre pression d’observation pourrait donc expliquer l’essentiel de la baisse constatée du nombre d’observations.
Dit autrement, le nombre réduit de collisions en 2020 semble davantage lié à un niveau d’observation plus faible qu’à un trafic réduit. Ainsi la baisse du trafic lors des confinements n’aurait eu qu’un effet limité sur le nombre de collisions. Pendant les épisodes de confinement, les discontinuités écologiques que génèrent d’ordinaire les infrastructures routières à fort trafic ont été atténuées, encourageant la faune sauvage à se risquer davantage à les traverser ; mais les collisions liées à ces discontinuités sont loin d’avoir disparu pour autant !
Comme il l’a été pointé dans les rapports précédents, l’identification de points de conflit à partir des données collectées se heurte à la très grande hétérogénéité spatiale de la pression d’observation. Ainsi la carte régionale des points de collision est très fortement influencée par la position des observateurs, laquelle se concentre dans les grands bassins de vie régionaux.
Carte des points de collision de 2019-2020
Carte de localisation des observateurs : chaque observateur est positionné au centre de gravité des observations qu’il a réalisées. Les cercles sont proportionnels au nombre d’observations réalisées par l’observateur considéré
Si l’on veut pouvoir mettre en évidence des points de conflit, il faut donc trouver une méthode permettant de gommer autant que possible l’hétérogénéité spatiale de la pression d’observation. Comme dans les rapports précédents la solution proposée ici est de se limiter aux routes et aux données d’observations qui correspondent à une fréquence de passage (quasi) quotidienne d’un observateur, c’est-à-dire :
Le travail d’identification de points de conflit proposé ici ne s’appuie donc que sur une partie des observations collectées dans la base de données : 6 300 observations ont été prises en compte en 2019/2020 (avant suppression de 380 doublons d’observations) parmi les 23 400 observations collectées.
Chaque observation réalisée a été rattaché à un tronçon routier, en s’appuyant sur un référentiel routier géographique simplifié, afin de se concentrer sur le réseau principal. Les analyses des années précédentes s’appuyaient sur le référentiel Route500® de l’IGN. Celui-ci n’étant plus mis à jour, nous avons reconstruit un référentiel simplifié à partir de la BD Topo® en excluant tout le réseau à vocation de “liaison locale” ou sans numérotation administrative. Ce nouveau référentiel d’étude n’est pas totalement équivalent à l’ancien. Il couvre 55 000 km en Auvergne-Rhône-Alpes.
Les observations prises en compte ne permettent de décrire correctement qu’une petite partie de ce réseau routier régional : un ensemble de tronçons routiers représentant 8 500 km parmi ces 55 000.
Les tronçons routiers pour lesquels l’étude permet de caractériser le caractère accidentogéne ou peu accidentogène
La part du réseau routier couverte par ce travail d’analyse est relativement faible mais il s’accroit d’année en année. Le réseau routier national est quant à lui majoritairement couvert grâce au travail des DIR. Le réseau autoroutier est partiellement couvert grâce aux données d’ATMB et APRR.
Evolution du linéaire du réseau routier considéré pour l’identification des points de conflit
Un tronçon routier est une section de route entre 2 carrefours. Dans le référentiel routier utilisé, les tronçons routiers considérés ont une longueur moyenne de 2 km.
Pour l’identification de points de conflit à l’échelle régionale, une précision de quelques km est suffisante. Il apparaît donc que la maille du tronçon routier convient bien pour cette approche, sans qu’il soit nécessaire de descendre à une échelle plus fine que celle du tronçon.
Dans le cadre de ce travail de mise à jour, l’analyse est réalisée l’échelle du tronçon routier. L’identification de points de conflit se fait alors par le calcul du ratio nombre de collisions / km / an.
En se limitant aux tronçons et aux observations définis ci-dessus, la densité moyenne de collisions est de 0,63 observations / km / an. En fixant arbitrairement un seuil à 2,5 observations / km / an (soit 4 fois la densité de collision moyenne), on peut faire ressortir à l’échelle régionale environ 170 tronçons routiers associés à une concentration significative de collisions.
Ces résultats sont restitués sous forme d’une cartographie dynamique permettant :